FoReLLIS

Le présent dossier se situe à la croisée des chemins entre deux historiographies a priori antinomiques : l'histoire intellectuelle et l'histoire matérielle. Depuis une petite quarantaine d'années maintenant, l'histoire des savoirs s'est émancipée de la philosophie et s'est frottée aux science studies (ou études de sciences 1 ) en se renouvelant par l'étude des pratiques de savoir, celles de l'expérimentation dans les années 1980 et 1990 2 , puis celles de l'observation surtout dans les années 2000 et 2010 3 . Dans le même temps, l'histoire sociale et culturelle s'est davantage intéressée aux choses, objets du quotidien -« choses banales » -ou produits de luxe, dans le sillage d'une histoire des consommations de biens matériels et d'une histoire des représentations trouvant dans le monde des objets une « puissance sémiotique » selon Renata Ago 4 , matérialisant autant des distinctions de rang ou de classe que des expressions d'identités sociales ou genrées.

« choses » des « objets », la question de la matérialité est très présente en histoire des sciences de l'époque moderne, particulièrement dans les études en langue anglaise 5 : boundary objects, things that talk, epistemic things, scientific objects etc. Un tel resserrement unanime de la focale ne saurait relever du seul effet de mode. L'intérêt pour ces objets épistémiques se nourrit d'approches récentes -le pragmatisme dans les sciences sociales -