Philosophie de l'éducation : les compétences en questions - Université Paris-Est-Créteil-Val-de-Marne Accéder directement au contenu
N°Spécial De Revue/Special Issue Rue Descartes Année : 2012

Philosophie de l'éducation : les compétences en questions

Pascal Sévérac

Résumé

Qu’est-ce que la compétence ? Pourquoi son apparition, et son succès, dans les textes officiels, notamment ceux qui aspirent à uniformiser au plan européen les attentes en matière d’éducation L’apprentissage par compétences, aujourd’hui, est moteur dans l’enseignement en général, et dans l’enseignement de la philosophie en particulier. Ce succès, ou cet hégémonisme plutôt, s’accompagne en même temps de vives critiques. La principale porte sur l’intrication entre le discours sur les compétences et la logique de l’adaptation au monde social : la révolution copernicienne dans le savoir qui consiste non plus à faire tourner l’élève autour du savoir, mais à mettre l’élève au centre du système scolaire, conduit finalement – c’est là tout le paradoxe – à mettre cet élève au service de nouvelles stratégies compétitives. Faire de l’élève un sujet souple, adaptable, voire malléable, voilà in fine où nous mène la logique des compétences : le projet de rendre l’élève libre revient à le rendre manipulable – en le conduisant à adhérer librement à ce à quoi on veut le contraindre. En effet, même si le discours de l’apprentissage par compétences n’est pas né de l’économie libérale elle-même (il se nourrit en pédagogie de l’expérimentalisme de Dewey, ou plutôt d’une forme tronquée de cet expérimentalisme), on ne peut s’étonner de son enrôlement par la planification de l’économie de l’éducation, et par les nouvelles pratiques managériales, qui voient dans le « capital humain » ou « capital cognitif » la plus grande source de compétitivité qui soit. Aussi la logique des compétences serait-elle au cœur d’un détournement, d’un renversement de l’esprit de l’école dite « active », de cette école qui se préoccupe de l’activité de l’élève et de son émancipation, en son contraire. Voilà donc ce qui ferait le succès des compétences aujourd’hui en pédagogie : leur convenance avec la logique économique actuelle, qui voit comme une aubaine à la fois la constitution du sujet qu’elles promeuvent (l’élève compétent, performant même), et la pratique de l’éducation qu’elles impliquent : une praxis (ayant sa fin en elle-même) transformée en un processus productif (une poiesis au service de fins extérieures), à même d’être évalué positivement. Néanmoins, on peut se demander si l’investissement dans le discours des compétences de forces managériales visant à la gestion de l’humain, est un destin pour toutes les recherches et pratiques concernant les compétences scolaires. Ne peut-on penser, au cœur même du travail pédagogique, une résistance possible à la logique économique dont les forces innervent, ou empoisonnent comme on voudra, bien des activités aujourd’hui, scolaires ou autres ? Former un sujet compétent, est-ce nécessairement former un sujet compétitif ? La pédagogie Freinet elle-même a pu investir le champ des compétences, en y voyant la possibilité d’intensifier la créativité des élèves …

Domaines

Philosophie

Dates et versions

hal-04047147 , version 1 (27-03-2023)

Identifiants

Citer

Pascal Sévérac. Philosophie de l'éducation : les compétences en questions. Rue Descartes, 73 (1), 2012, ⟨10.3917/rdes.073.0002⟩. ⟨hal-04047147⟩

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