De nombreux discours, instruments et instances attestent de l’avancée d’un « nouvel esprit de l’évaluation »1 ainsi que d’un foisonnement d’initiatives dans l’espace de l’enseignement supérieur et de la recherche (eSr). Ce double mouvement, entre unité et pluralité, caractérise, dans différents pays, la dynamique des transformations qui affectent l’évaluation au sein du monde académique depuis ces quarante dernières années. Ces transformations ont été portées et souhaitées par certains acteurs sans que ceux-ci n’envisagent nécessairement leur devenir, leurs usages et leurs effets. D’autres, au contraire, s’y sont opposés et en ont fait, individuellement ou collectivement, l’objet de critiques. Dans son anthologie commentée portant sur l’industrialisation de l’éducation, Pierre Mœglin [2016] a rappelé l’ancienneté des oppositions actuelles, également présentes dans la littérature académique. Prenant acte, comme cet auteur, des oppositions qui ont accompagné les mutations de l’évaluation dans le monde académique, abordée ici comme un phénomène social construit, ce livre entend se placer à distance de ces tensions. Ainsi, ne s’agit-il pas de les oublier mais plutôt de les considérer comme constitutives de l’objet étudié en rendant à ces oppositions leur valeur heuristique : en tant que fait social, l’évaluation est fabriquée dans un contexte donné par des individus qui tout à la fois et de longue date mettent en discours et en débat l’évaluation et ses conséquences. Apporter un éclairage des sciences humaines et sociales sur les mutations de l’évaluation dans l’espace académique des années 1980 jusqu’à nos jours en les replaçant dans des contextes nationaux et institutionnels est l’ambition générale de ce livre. Il rassemble des recherches empiriques originales conduites dans des perspectives disciplinaires spécifiques, complémentaires et croisées en histoire des sciences, en sciences de l’information et de la communication, en science politique et en sociologie.