Imaginaires de la contestation au Musée du Prado du XXI siècle
Abstract
Les musées du XXI siècle sont des espaces d’interaction sociale, « leurs murs sont perméables aux protestations des rues, aux débats dans les parlements, et aux thématiques populaires dans les réseaux sociaux » ( Museums as Cultural Hubs : The Future of Tradition, ICOM 25thConference Report, Tokyo, 2019, p. 4). Le Musée du Prado est devenu depuis quelques années un lieu de création d’imaginaires qui contestent les revendications du wokisme et de la cancel culture (culture de l’annulation). « Le concept woke, historiquement lié à la lutte contre le racisme envers les Afro-Américains, s’est répandu par le monde pour dénoncer les injustices subies par les minorités, qu’elles soient sexuelles, ethniques ou religieuses » (Le Monde, 6 juin 2020). La cancel culture vise à expurger de l’espace public toute oeuvre ou discours considérés offensants à l’égard des minorités. Face à ce que certains considèrent des formes de négation de l’histoire, et une mise en cause du musée canonique, le Prado a déployé ses propres imaginaires, qui reprennent en partie les revendications woke et celles de la critique décoloniale, mais en les détournant; dans cette communication, nous montrerons comment, par le biais d’expositions centrées sur le genre (femmes artistes), sur les identités sexuelles, et sur l’Amérique coloniale hispanique, le Musée du Prado exhibe sa lutte contre la pensée woke, et affiche son refus de tout compromis dans la présentation de ses collections permanentes, contrairement aux musées, qui, en Europe ou aux Etats-Unis, ont censuré certaines de leurs œuvres, modifié les titres d’autres, et façonné une histoire de l’art épurée.