Entre oralité et écriture
Résumé
La relation entre oralité et écriture peut être envisagée aujourd’hui du point de vue d’une théorie des institutions élaborée dans le cadre de la tradition sémio- logique. Nous proposons une analyse de cette relation comme elle se présente dans les écrits de Ferdinand de Saussure, notamment dans le «Cahier Whit- ney».1 L’écriture est présente partout dans ce manuscrit saussurien, soit dans la tension entre pratique et théorisation, « ordre graphique et ordre théorique » (Gambarara 2007: 237), soit en vue d’une théorie des institutions (Prieto 1990) qui « vient au CLG essentiellement de ce cahier » (Gambarara 2007 : 255). La relecture de la relation entre oralité et écriture trouve une nouvelle impulsion en passant grâce à la distinction entre les termes de Mitsamt (être «avec- l’autre ») et Miteinander (être « l’un-avec-l’autre ») que Hans-Georg Gadamer développe à plusieurs reprises. Parallèle à la différentiation entre collectivité et communauté chez Gadamer, la distinction entre Mitsamt et Miteinander a trouvé une élaboration théorique plus accomplie dans l’essai Zur Phänome- nologie von Ritual un Sprache (1992). L’usage saussurien du terme collectivité et les termes gadameriens de Mitsamt et Miteinander révèlent les enjeux de la relation entre oralité et écriture en vue d’une théorie de la socialité qui se situe au premier plan dans une réflexion sur la langue en tant qu’institution sociale. Le regard qu’on porte sur la relation entre oralité et écriture permet aussi de réévaluer la conception de l’écriture qui se dégage des lectures du Cours de linguistique générale (désormais: CLG).