L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, Les traites négrières et l’esclavage colonial
Abstract
Les vingt-huit volumes in-folio de l’Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers, par une société de gens de lettres, furent publiés entre 1751 et 1772. Pendant ces deux décennies, environ un million six-cent-mille Africains furent embarqués dans des navires négriers dont deux-cent-cinquante-mille environ à bord de navires français. L’Encyclopédie reste comme un monument des Lumières, et cela jusqu’à et y compris dans ses limites. Parmi les 74 000 articles de l’Encyclopédie, moins d’une centaine concernent explicitement la question des traites négrières et de l’esclavage colonial. La contextualisation, l’analyse et la mise en relation de ces articles, de longueur et de portée très inégales, permettent de s’interroger sur les contradictions et les ambiguïtés des encyclopédistes, mais aussi de prendre en compte l’expression parfois fulgurante de principes antiesclavagistes. Ainsi, dans son article « Traite des Nègres », Jaucourt fut le premier des encyclopédistes à envisager l’abolition de l’esclavage. Comme en témoigne, notamment, le cheminement de Diderot, les débats ouverts par la première édition de l’Encyclopédie ont contribué, lors de la décennie suivante à une radicalisation de la pensée anti-esclavagiste et à un enrichissement de son expression dans le débat public alors que la traite et l’exploitation du travail servile atteignaient des sommets jusqu’alors inégalés.