L'implexité du langage
Résumé
Nous nous appuyons sur la notion d’"implexe" ou "implexité", introduite par Valéry dans ses réflexions-méditations (Cahiers) sur le système Corps-Esprit-Monde pour mettre en avant les apports des travaux de Julia Kristeva pour penser le langage dans son hétérogénéité et sa créativité. Nous revenons ainsi au concept de « chora sémiotique », que nous rapprochons du « chaos épilinguistique » selon A. Culioli, à celui de « différentielle signifiante » dans son rapport aux éléments submorphémiques selon la linguistique submorphologique, et, plus largement, au modèle freudien du langage, en soulignant les valeurs d’affect portées par la parole vive, dans les formes d’expression de l’intimité signifiante du sujet.
Mais c’est aussi à la vie sociale du langage que renvoie l’implexe, quand la parole se fait discursive. Dans cette perspective, nous faisons référence à certains concepts de la linguistique du discours et interactionnelle, aussi aux grammaires de construction (construction grammar) et au modèle basé sur l’usage (usage-based model), qui privilégient la composante statistique du langage dans la formation et la circulation des énoncés échangés.
La sémanalyse développée par J. Kristeva dès les années 1960-70 vise à dépasser les limites des approches linguistiques en insistant notamment sur le pouvoir métamorphique de la création langagière et sur le substrat sensoriel et affectif de la parole, la « chair des mots ». L’expérience et la pensée du langage qu’elle nous propose, à partir de la psychanalyse et de la littérature, nous invite ainsi à explorer en profondeur son implexité, entre subjectivité et transindividualité.