« Retranscription des sténographes et interprétation de l’historien. Restituer les réactions des publics populaires lors des meetings républicains des années 1871-1882 »
Abstract
Dans les retranscriptions des discours des grands leaders fondateurs de la Troisième République, les sténographes de l’époque indiquent des formes de réaction des publics : applaudissements, approbations par des TB !, rires, émotion etc … Il va de soi que ces indications sont d’abord une perception du sténographe présent, puis qu’elles sont relues et approuvées par l’entourage des leaders avant publication dans la presse. Il s’agit d’un discours reconstruit. Néanmoins, ces sténographes participaient d’une déontologie professionnelle très stricte, comme l’a montré dans ses travaux sur la profession Delphine Gardey. La comparaison de ces réactions sur un large corpus de discours permet de dégager des typologies de publics. Nous l’avons montré à propos des publics populaires qui viennent écouter Léon Gambetta entre 1871 et 1882 (Dontenwille-Gerbaud, 2016). Les publics « ruraux » ne semblent pas réagir comme les publics plus « ouvriers » par exemple. Enfin, la presse et les cartons d’archive (notamment les archives de police), permettent de se faire une idée de la composition des publics présents. L’historien a bien conscience de la difficulté à faire émerger ce qui peut s’apparenter à une « voix des sans voix ». Il ne s’agit en rien d’essentialiser ces réactions. Seules les comparaisons permettent de mettre à jour des faisceaux de convergence. Comme le dit si bien Arlette Farge, l’historien sait bien qu’il bute régulièrement sur cette absente si présente qu’est la parole mais il n’en cherche pas moins à essayer de nommer le rien, le vulgaire … (Farge, 1992). C’est donc par un travail comparatif sur un corpus de 164 discours tenus par des leaders républicains entre 1871 et 1882 devant des publics « populaires » que nous proposons ici d’accéder à cette « parole ». Les enjeux épistémologiques de ce travail seront au cœur de la présentation.