Le sentiment patriotique dans le discours des législateurs de 1801
Abstract
In addition to adhering to the ideals of 1789 in their love of their native land, the patriots of the Revolution also were also convinced of their superiority. The French nation was thought of, and saw itself, as the “Grande Nation”. In their preparatory work of the Code civil, the legislators of 1801 expressed their patriotism in such a way that it can be viewed as a sort of avatar of universal nationalism. When the Tribune Carion-Nisas called patriotism “that sentiment, even when excessive, of superiority which the Revolution has inspired in us”, he was reflecting a general sentiment. For everyone without exception (Consuls, Conseillers d’Etat and Tribunes), France was painted as “a happy land”, the “garden of the globe, palace of the sciences and arts”, a blessed country in which the principles of 1789 had materialized both in law and un fact. Thereafter, people would celebrate the glory of wearing the “medal of being French”. Conceived as an extraordinary singularity, the “qualité de Français”, whether it was a blessing of nature for the French by birth or a favor of the law for the “Français naturalisé”, made a man a free citizen
However, whilst the affirmation of this superiority was one thing, agreement on its expression in relation to foreigners was another. On this point, the legislators of 1801 were divided, with the patriotic sentiment of the “hommes positifs”, supporters of the consulat government, on one side, and that of their opponents, close to the Idéologues, on the other. War and peace were the keys to this distinction. Whilst for one side, peace and commerce constituted the natural state of of the nature, for the other, normally was constituted by a fierce competition between the nations. The article here considered this standoff, with the Tribunes, heirs to the cosmopolitanism of the Enlightenment but reinterpreted according the new doctrines coined by the first liberal economists up against the men in power, with their patriotic sentiment characterized by a love of native land inspired by the antique city and by a reaction against “excessive philanthropy”. It was seen as an “irresistible spring” designed to mobilize all energies to promote the economic and military power of the French republic.
In the same way, the representation of the “Français naturalisé” paved the way for a voluntarist conception of the nation defined as a community of adhesion, so this exploitation of the patriotic dynamic for the benefit of res publica drew the lineaments of a future state nationalism.
Le patriotisme de la Révolution s’était caractérisé, outre par une adhésion aux idéaux de 1789 à travers l’amour de la terre natale, par un sentiment de supériorité. La nation française s’était regardée et avait été regardée comme la “Grande Nation”. Il n’en avait pas moins procédé de la philanthropie de Lumières et avait promu un messianisme libérateur des peuples. Dans les travaux préparatoires du Code civil, le patriotisme des législateurs de 1801 apparaît comme un avatar de ce nationalisme universaliste. Dès la première journée de discussion du projet de loi, le Premier consul avait averti que le dispositif législatif serait apprécié à l’aune de l’intérêt de la France. Reflétant le sentiment général, le tribun Carion-Nisas définissait le patriotisme comme « ce sentiment, même exagéré, de supériorité que cette révolution nous a inspiré ». Consuls, conseillers d’Etat et tribuns, favorables ou hostiles au projet gouvernemental, communiaient dans un même patriotisme. La France était dépeinte comme un “sol fortuné”, le “jardin du globe, palais des sciences et des arts”, une terre bénie sur laquelle avaient pris corps les principes de 1789 en droit comme en fait. Dès lors était célébrée la gloire de porter la “décoration du titre de Français”. Conçue comme une extraordinaire singularité, la qualité de Français, qu’elle fût un bienfait de la nature pour le Français d’origine ou une faveur de la loi pour le “Français naturalisé”, faisait d’un homme un citoyen libre.
Affirmer cette supériorité était une chose, s’accorder sur le rapport à l’étranger une autre. Sur ce point, les législateurs de 1801 se divisaient. Le sentiment patriotique des “hommes positifs”, acquis au gouvernement consulaire, différait de celui de leurs adversaires, proches des Idéologues. Guerre et paix étaient les clés de ce clivage. Tandis que pour les uns, la paix et le commerce constituaient l’état naturel du monde, pour les autres, il se caractérisait par une farouche compétition entre les nations. Se plaçant sous les auspices des progrès de la civilisation, les tribuns de l’opposition se portaient héritiers du cosmopolitisme des Lumières, mais un cosmopolitisme réinterprété d’après les nouvelles doctrines forgées par les premiers économistes libéraux. D’après eux, l’amour de la patrie était subordonné à l’amour de l’Humanité comme l’intérêt national l’était au commerce d’économie. En revanche, le sentiment patriotique des hommes du pouvoir s’avouait comme une réinvention d’un amour de la patrie inspiré de la cité antique et comme une réaction à une “philanthropie excessive”. Il était vu comme un “ressort irrésistible” destiné à mobiliser toutes les énergies pour promouvoir la puissance économique et militaire de la république française.
De même la représentation du “Français naturalisé” ouvrait la voie à une conception volontariste de la nation définie comme une communauté d’adhésion, de même cette exploitation de la dynamique patriotique au bénéfice de la chose publique dessinait les linéaments d’un prochain nationalisme d’Etat.
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