Discours on cultural diversity and national unity : postcolonial state in Cameroon and the division between francophone and anglophone.
Discours sur la diversité culturelle et l’unité nationale au Cameroun. L’État postcolonial face au clivage francophone/anglophone
Abstract
For the past sixty years, political discourse in Cameroon has been dominated by the question of "cultural diversity" and "national unity". This is essential due to the hybrid nature of the state, linked to its historical process of formation. The colonial contact between Cameroon and the West, particularly France and England, participated in the formation of a hybrid state that is both French-speaking and English-speaking. A configuration that gave rise first to the "English-speaking problem", then to its mutation from 2016 into an English- speaking secessionist war with to date several thousand dead and hundreds of thousands of internally and externally displaced persons. To this geo-identity bipolarity at the vertical level, we must add to the horizontal plane more than 230 ethnolinguistic groups which constitute veritable peripheral identity poles. It is this complexity, unique on the continent, which makes it possible to understand the State discourse on cultural diversity and the challenges it raises: national unity and integration. Because from the dawn of the postcolonial period, the state implemented a political-legal and communication system aimed at neutralizing ethno-identity conflict and producing the fiction of a consensus.Starting from the intersection of approaches to discourse analysis, the sociology of political discourse and postcolonial theory, the thesis shows that the process of state formation in Cameroon is intimately linked to political language. The history of the postcolonial state is here also a history of the discursive and communicational practices of the political. The State discourse in Cameroonian postcolony highlights a tangle-circumvention of realities and multiple challenges: political and historical, identity and security, socio-cultural and linguistic, legal and economic, endogenous and exogenous. It is a discursive, overhanging and propagandistic system, which aims to neutralize ethno-identity conflict and preserve power. Communication, discursive productions, and sometimes also silence-erasure, refer here to State Reason. The state owes them (among other things) its life, or more precisely its survival. The discourse and in particular the watchwords such as "Reunification", "national unity” “national integration", "cultural diversity", "unity in diversity" structure the unitary ideology.Beyond that, the thesis highlights, depending on the socio-historical conjuncture, among other things, the emergence of an oppositional discursive formation and the injunction to cultural diversity stemming from supra-state institutions, the construction of a discourse diversitary, then a uni-diversitary national discourse and memory. It shows an esthetician State which develops a memorial and discursive cosmetic aiming at the decolonization of the national heritage, the polishing of the community narrative, for "unity (of Cameroon) in diversity".
Depuis une soixantaine d’années, le discours politique au Cameroun est dominé par laquestion de la « diversité culturelle » et de l’ « unité nationale ». Celle-ci s’impose du fait del'hybridité de l'État liée à son processus historique de formation. Le contact colonial entre leCameroun et l'Occident, particulièrement la France et l'Angleterre, a participé à la formationd'un État hybride à la fois francophone et anglophone. Une configuration ayant donné lieud’abord au « problème anglophone », puis à sa mutation à partir de 2016 en guerresécessionniste anglophone avec à ce jour plusieurs milliers de morts et des centaines demilliers de déplacés internes et externes. A cette bipolarité géo-identitaire au niveau vertical,il faut ajouter au plan horizontal plus de 230 groupes ethnolinguistiques qui constituent devéritables pôles identitaires périphériques. C’est cette complexité, unique sur le continent, quipermet de comprendre le discours d’État sur la diversité culturelle et les enjeux que celle-cisoulève : l'unité et l’intégration nationales. Car dès l’aube de la période postcoloniale, l'État amis en œuvre un dispositif politico-juridique et communicationnel visant à neutraliser laconflictualité ethno-identitaire et à produire la fiction d’un consensus.A partir du croisement des approches de l’analyse du discours, de la sociologie dua thèse montre que le processus de formation de l’État au Cameroun est intimement lié au langage politique. L’histoire de l’État postcolonial est ici aussi une histoire des pratiques discursives et communicationnelles du politique. Le discours d’État en postcolonie (camerounaise) met en lumière un enchevêtrement-contournement de réalités et enjeux multiples : politique et social, identitaire et sécuritaire, culturel et linguistique, juridique et économique, historique et mémoriel, endogène et exogène. C’est un système discursif, surplombant et propagandiste, qui vise la neutralisation de la conflictualité ethno-identitaire et sociale, et la conservation du pouvoir. La communication, les productions discursives, et parfois aussi le silence-effacement, renvoient ici à la Raison d’État. L’État leur doit (entre autres) sa vie, ou plus exactement sa survie. Le discours et en particulier les mots d’ordre tels que « Réunification », « unité nationale », «intégration nationale», «diversité culturelle», «unité dans la diversité» structurentl’idéologie unitaire.Au-delà, la thèse met en évidence, en fonction de la conjoncture socio-historique, entre autres, l’émergence d’une formation discursive oppositionnelle et l’injonction à la diversité culturelle issue des institutions supra-étatiques, la construction d’un discours diversitaire, puis d’un discours et d’une mémoire nationale uni-diversitaires. Elle montre un État esthéticien qui développe une cosmétique mémorielle, discursive et communicationnelle visant la décolonisation de l’héritage national, le polissage du récit communautaire, pour l’ « unité (du Cameroun) dans la diversité ».