Spinoza - Université Paris-Est-Créteil-Val-de-Marne Accéder directement au contenu
Ouvrages Année : 2011

Spinoza

Pascal Sévérac

Résumé

Ce livre entend répondre à la question de savoir à quoi et comment nous devons nous unir pour nous sauver. Toute la philosophie de Spinoza peut en effet être lue à travers cette question centrale : comment, étant donné notre situation au monde, transformer notre rapport à nous-mêmes, et aux autres, de telle sorte que nous puissions être plus fermes, plus forts, plus heureux ? Comment, étant donné les rapports déjà constitués, élaborer de véritables unions qui nous permettent de jouir de la liberté la plus grande ? Spinoza est un penseur de l’union : union psychophysique dans l’égalité des puissances du corps et de l’esprit ; union politique et religieuse à travers la force des passions communes. Mais en même temps, de telles unions doivent être comprises à partir de leur principe et de leur fin : union ontologique de chaque modalité de la nature avec son principe substantiel, Dieu ; union éthique des hommes dans la convenance de leurs corps et dans celle de leurs esprits, en vue de la jouissance du salut. La question est donc de savoir comment s’en sortir sans sortir... de l’immanence d’une vie, qui est la vie divine, et qui est notre vie. Trois types de problèmes ont dès lors orienté la réflexion : 1- D’abord, il a été nécessaire de se demander de quoi il faut se sauver : quel est l’ennemi à combattre, que faut-il changer : notre vie même ? En quoi consiste alors le salut : en une tension, celle d’une lutte ou d’un effort, ou bien en une détente, celle d’un apaisement ou d’une jouissance ? Si l’union fait la force, alors la question est de savoir que faire de cette force, ou quel effet fait cette force. 2- Ensuite, il a fallu se demander qui est ce « nous » qui doit s’unir : notre esprit ou bien notre corps – pouvons-nous nous sauver corps et âme ? Et pouvons-nous nous sauver seul, par nous-même, ou bien n’y a-t-il de salut que collectif, que par les autres et avec eux ? Qui alors serait ce « nous » pluriel, cette communauté qui, par l’union, peut se sauver ? 3- Enfin, a été posée la question de savoir comment interpréter ce devoir d’union pour notre salut : quelle en est la source, Dieu, la Raison, l’État ? Ce devoir renvoie-t-il à la pure nécessité immanente d’un processus auquel nul ne saurait en vérité échapper, ou bien relève-t-il d’une forme d’obligation que nous aurions à remplir ? En somme, l’union que nous avons à effectuer n’est-elle pas toujours en quelque manière déjà effective ? Ce parcours dans l’œuvre de Spinoza à travers la question de l’union a révélé une tension majeure : entre union effective et union à effectuer. Il existe en effet plusieurs types d’union effective. L’union ontologique, d’abord, qu’elle soit celle de l’infinité des attributs en Dieu, ou celle du mode avec Dieu, qui est son principe actif et substantiel. Une telle union ne peut se défaire, elle est éternellement effectuée. De la force de cette union ontologique se déduit l’union singulière de l’esprit avec toute la nature, union de cette idée à la fois avec les autres idées le déterminant à penser, et union avec son objet, le corps. Cette double union, elle aussi, a quelque chose de nécessaire : d’un côté, la puissance de l’esprit ne peut en aucun cas agir sur ou contre le corps, l’égale dignité des attributs divins assurant la parité des activités du corps et de l’esprit dans la conquête du salut ; de l’autre côté, l’esprit ne saurait s’affranchir de la « contrainte » des idées par lesquelles il est nécessairement co-agi (coactus), que ce soit de façon passive, lorsque la convenance avec elles n’est que partielle, ou de façon active, lorsque que conviennent parfaitement coaction et action. Or ces convenances, dans la mesure où elles nous modifient, sont des unions affectives : unions pour la plupart en extériorité, unions imaginatives qui se font par les communes passions ; unions parfois en intériorité, unions intellectuelles avec Dieu, soi et les autres. Unions politico- religieuses, fermées et exclusives, temporaires et temporelles, toujours finies. Unions éthiques, ouvertes et sans reste, indestructibles parce qu’éternelles. Or, c’est en ces unions que se tend le fil entre ce qui est effectif et ce qui est à effectuer. D’un côté, des individus radicalement isolés, désocialisés, n’existent pas ; les individus sont toujours déjà, politiquement et religieusement, unis (il n’y a pas d’état de nature brut, sans état civil) ; en même temps, l’union politico-religieuse est toujours aussi menacée d’une désunion qui travaille à même l’union passionnelle (il n’y a pas d’état civil pur, sans état de nature). Ainsi, les logiques qui font les unions les défont : la passion laisse toujours un reste, en lequel s’engouffrent discordes et séditions. Union en politique ne signifie donc pas pleine et entière communion: de telles unions sont tendanciellement harmonieuses, ou tendanciellement séditieuses. Il y a toujours à refaire ce qui déjà est fait, mais fatalement se défait. Stabiliser l’État revient donc – c’est là son propre travail – à renforcer l’union des cœurs, la concorde, sans jamais devoir ni désespérer de l’union politique (la solitude radicale n’est qu’un rêve mélancolique), ni espérer une union pleinement rationnelle (la béatitude politique n’est qu’un rêve philosophique). Mais la tension entre union effective et union à effectuer est la plus sensible dans l’union éthique: une telle union en effet paraît se fonder en dernier recours sur la pleine actualisation d’une union toujours-déjà-là, parce qu’éternelle. La béatitude ne consiste-t-elle pas à s’unir, pour en jouir, avec ce à quoi éternellement nous sommes toujours déjà unis ? Peut-on dès lors concilier l’actualité éternelle d’une union toujours déjà effectuée et l’actualité spatio-temporelle d’une union toujours encore à effectuer ?

Domaines

Philosophie
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-04044139 , version 1 (24-03-2023)

Identifiants

  • HAL Id : hal-04044139 , version 1

Citer

Pascal Sévérac. Spinoza : Union et désunion. Vrin. 272p., 2011, Bibliothèque des philosophes, 978-2-7116-2344-0. ⟨hal-04044139⟩

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