Chapitre conclusif de l’ouvrage Donner la parole aux « sans-voix » ? Construction sociale et mise en discours d’un problème public (dir. Ferron B., Née E., Oger C.), cette contribution montre en quoi les travaux présentés dans l’ouvrage fournissent des contributions à l’analyse critique des processus de domination et d’émancipation des groupes dominés. Les personnes réputées « sans-voix », dominées sous plusieurs rapports, sont tout d’abord susceptibles d’acquérir dans et par les dispositifs visant à leur donner la parole un sens tactique sur le plan du discours. Souvent favorisé par des prédispositions acquises antérieurement, ce « sens du jeu » leur permet de peser dans les rapports de force – que leur seule présence contribue à modifier. Jouant selon les règles ou avec les règles, on peut se demander à quelles conditions les locuteurs peuvent emporter la mise voire, plus exceptionnellement, changer les règles du jeu. Des recherches récentes en analyse du discours se sont saisies de la question de « la détention et [de] l’exercice de la parole », proposant des analyses critiques de la façon dont la voix de personnes dites à « faibles ressources » est représentée en discours dans différentes arènes publiques, médiatiques, littéraires, scientifiques, etc., et mettant au jour des effets de domination discursive. Ces recherches, qui assument un positionnement critique, offrent un éclairage stimulant sur les chapitres ici réunis. Un autre ensemble de travaux invitent dans le même temps à faire porter l’observation sur l’ « agentivité » (agency) des acteurs et des locuteurs en situation de domination. Et c’est à nouveaux frais que plusieurs des contributions de cet ouvrage interrogent la capacité des agents à agir sur leur situation, leur expérience, leur vécu, et de leur parole à émerger, à se frayer un chemin – à inter-venir – et à peser au sein même des dispositifs « d’offre de parole », aussi contraignants soient-ils, ou en dehors de tels dispositifs.